Être ou ne pas être végétarien?
22 février 2014 | Posted in 4-Le goût des produits | By admin
J’ai décidé d’aborder cette épineuse question pour mon premier article dans cette rubrique car je dois vous expliquer pourquoi vous ne trouverez pas certains produits dans mes recettes. Inutile de perdre de temps, non, je ne suis pas végétarienne, mais j’y travaille !
Albert Einstein a dit « Rien ne pourra être plus bénéfique à la santé humaine, ni accroître les chances de survie de la vie sur Terre, qu’une évolution vers un régime végétarien »
En une seule phrase, ce cher Albert met le doigt sur toute la complexité de cette question. Je suis toujours très embêtée quand il s’agit d’aborder ce sujet avec mon entourage car je ne suis déjà pas au clair avec moi-même. Comme je le disais, je ne suis pas végétarienne (entendez qui ne mange AUCUN animal: ni mammifères, ni volatiles, ni poissons, ni mollusques) mais je ne suis pas non plus totalement omnivore. Je sais que cette posture agace prodigieusement les vrais végétariens qui ne supportent pas les nouveaux concepts farfelus que nous inventent les magazines féminins régulièrement, et je les comprends. Pourtant, nous n’arrivons pas tous à aboutir à une pratique bien tranchée, car disons-le, nous sommes culturellement conditionnés à manger de la viande. Tout n’est donc pas tout blanc ou tout noir, personnellement je nage dans le gris…
Cependant, il m’apparait depuis plusieurs années qu’il est absolument nécessaire de tendre vers un régime alimentaire végétarien et cela pour plusieurs raisons.
La première et, pour moi, la plus importante, est la problématique environnementale. Les dégâts causés par l’élevage, qu’il soit intensif ou non, sont considérables, notamment sur la dégradation des terres et de la biodiversité, la pollution des eaux et le réchauffement climatique. L’élevage serait responsable de presque 20% des émissions de gaz à effet de serre. C’est un sujet très vaste, auquel je consacre un article complet: L’impact de l’élevage sur l’environnement.
La seconde provoque tout autant de dégâts: la spéculation sur les matières premières. En effet, la consommation grandissante de viande, particulièrement de boeuf, sous l’impulsion des pays occidentaux, largement suivis par les pays émergents, déstabilise totalement le marché mondial des matières premières. Les pays à forte consommation de viande sont aussi les plus riches et les plus influents. Une quantité considérable de produits céréaliers sont nécessaires pour l’engraissage des bêtes et, bien sûr, il faut les obtenir au meilleur prix. Un pan entier du système financier est consacré au marché des matières premières et des mécanismes complexes ont été mis en place pour s’accaparer la plus grande partie de la production mondiale. Résultat, les pays les plus pauvres, n’ayant pas de moyens comparables, se voient dans l’incapacité d’acheter parfois ce qu’ils ont eux même produit quelques mois auparavant. Il faut savoir que 80% de l’alimentation animale est issue de cultures qui pourraient convenir à l’alimentation humaine et ainsi épargner à bon nombre de populations des crises alimentaires majeures.
La troisième raison est plus idéologique: le respect de l’animal. Dans l’absolu, je n’ai rien contre le fait de manger de la viande si on a chassé l’animal (je ne parle évidemment pas de la chasse « loisir ») Je pense sincèrement que si chacun devait tuer soi même l’animal qu’il veut manger, il y aurait bien plus de végétariens. Et c’est bien ça le problème. Nous n’avons plus la conscience de ce qu’implique notre consommation de viande. Quand je me promène dans les rayons de mon supermarché, je suis toujours frappée par les efforts considérables que déploient les industriels pour nous faire oublier ce qui se cache dans ces emballages soignés. Voici un chiffre effrayant: on abat 1900 animaux PAR SECONDE à travers le monde pour la consommation de viande. On estime à 110 milliards le nombre d’animaux tués tous les ans dès 2050. L’industrialisation mondialisée de l’élevage et de l’abattage de centaines de milliards d’animaux est, de mon point de vue, une abomination dont nous devrions tous être profondément choqués et honteux. Au delà des conditions d’élevage je n’évoquerais même pas la question de l’opaque industrie des abattoirs dont les rares images que l’on connait sont tellement insoutenables que je vous laisse les trouver par vous même.
La dernière raison est celle de la santé. Evidemment, on se doute bien qu’une telle industrialisation est profondément contre-nature et Dame Nature nous le rappelle fréquemment. Nombreuses sont les maladies, infections, virus qui déferlent régulièrement sur ces animaux dont l’existence est déjà misérable. Mais plutôt que de prendre conscience de notre erreur, nous mettons toutes nos connaissances médicales au service de l’élevage. Résultat, on gave les animaux d’antibiotiques à titre préventif au point que certaines bactéries développent une résistance au traitement. Ces bactéries, auparavant sensibles à l’antibiotique ne sont plus détruites ou leur multiplication n’est plus stoppée. C’est ce qu’on appelle l’antibiorésistance. Pour être clair, on rend des bactéries indifférentes à toute forme de traitement et cette résistance parvient à se transmettre, dans l’environnement, à d’autres bactéries et est à l’origine de nouvelles résistances croisées à des antibiotiques de la même famille. Les conséquences de cette évolution peuvent s’avérer dramatiques à terme: en l’absence de nouveaux antibiotiques nous serions dans l’incapacité de traiter efficacement certaines infections animales mais aussi humaines.
Nous avons donc toutes les raisons de devenir végétarien. Oui mais voilà, même quand on a conscience de toutes ces choses et même quand on a la volonté de changer, ça ne suffit pas toujours. Renoncer à la viande n’est pas si facile au quotidien, surtout quand on sait qu’on estime à moins d’un million le nombre de végétariens en France. Autant dire que cette pratique est tellement marginale qu’elle n’est facilitée ni socialement, ni commercialement. Mais, partant du principe que le mieux est l’ennemi du bien, ce n’est pas parce que ce n’est pas parfait que ça ne vaut rien. J’ai donc décidé de réfléchir à ma consommation et de faire les arbitrages suivants:
Première chose: aucun mammifères. Tout simplement parce que j’en suis un moi-même et qu’une logique primaire m’a immédiatement poussée dans cette direction. J’ai donc choisi de ne pas du tout consommer de membre de ma « famille » (scientifiquement, on appelle ça un taxon) On oublie donc le cochon, le boeuf, le mouton, a fortiori s’il s’agit de « bébés » (veau, agneau, etc) Bien entendu, la consommation de viande de cheval ou de lapin est absolument inenvisageable pour moi.
Deuxième chose: Toute viande consommée doit être Bio, c’est un point non négociable. La seule concession sur ce sujet sera faite à la volaille labellisée (Label Rouge par exemple) qui est très proche du cahier des charges du Bio. On fera au maximum en sorte que cette viande soit d’origine française (évitez à tout prix les viandes venues d’Allemagne, d’Europe de l’est et d’Amérique latine). Ainsi, vous aurez la garantie que les animaux ont été élevés dans le respect de leur bien-être, qu’ils auront reçu une alimentation adaptée à leur nature et qu’ils auront été abattus à un âge plus avancé. Evidemment, reste le problème de l’abattage pour lequel je n’ai pas encore réussi à progresser.
Troisième chose: Aucune préparation industrielle (plats cuisinés, pizzas, quiches, conserves…) contenant de la viande. Vous y gagnerez je vous assure, car l’origine des viandes utilisées est particulièrement incertaine. Elles se constituent de ce que l’on appelle le minerai, c’est à dire des chutes de viande produites pendant la découpe qui proviennent de partout dans le monde et sont absolument intraçables.
A ce jour, je réussis à ne consommer que de la volaille Bio une à deux fois par semaine maximum (dinde, poulet, canard) toujours sous la forme de produit brut que je travaille moi même. Je m’assure ainsi de la qualité sanitaire et éthique de ce que je consomme.
Pour ce qui est du poisson, il faut également être très vigilant. Le choix entre l’élevage et le sauvage, la gestion des ressources et la saisonnalité sont des critères fondamentaux à prendre en compte. Il s’agit là aussi d’un sujet à part entière auquel je vais consacrer très prochainement un article dédié. En tout état de cause, la fréquence de consommation du poisson ne peut pas excéder celui de la viande (1 à 2 fois/semaine max) et les principes d’éthiques doivent s’appliquer de la même façon. Concernant les mollusques et fruits de mer, j’avoue que mon ignorance en la matière et le fait que je n’en apprécie que très peu limite ma réflexion. Je consomme presque exclusivement des crevettes, des langoustines et des coquilles St Jacques (bretonnes bien sûr).
Mais alors sur quelles bases doit on faire reposer son alimentation au quotidien? D’abord sur les céréales comme le blé, le riz ou le maïs sous leurs différentes formes (entiers en grain ou partiellement concassés, en farine, ou encore en lait) mais également sur les légumineuses (c’est à dire de plantes dont le fruit est une gousse dont on récupère les graines utilisées comme légumes) comme par exemple les fèves, les haricots ou les lentilles, les fruits et les légumes bien sûr mais aussi les produits laitiers (lait, beurre, fromage) et les oeufs. En ajoutant de toutes petites quantités de viande et de poisson soigneusement sélectionnés vous aboutirez à un régime alimentaire parfaitement équilibré et raisonné. Pour les plus accros à la viande qui vivraient cela comme une privation, il reste la solution des substituts, à savoir le tofu, le seïtan ou le tempeh que vous trouverez en BioCoop mais aussi des marques industrielles assez innovantes et particulièrement convaincantes comme la marque Tivall, disponible au rayon casher de certain supermarché.
Vous savez donc maintenant ce que vous ne trouverez pas sur ce blog et surtout pourquoi.